
Rendez-vous à 20h place de la Riponne puis dans la nuit à la place Saint-Laurent jusqu’au matin… Prenez vos sacs de couchage ! Nous dormons dehors pour dire à la Ville et au Canton que personne ne doit dormir dehors !
Co-organisé par La Maraude Lausanne, le Collectif R, le Collectif Jean Dutoit, solidaritéS, SOS Asile Vaud, le Collectif vaudois de soutien aux sans papiers, L’armoire à couverture, Toit pour tous, et d’autres encore.
Premier constat. Chaque nuit, le lieu d’hébergement d’urgence le Sleep-in à Renens, plein à craquer, est obligé de refuser 40 à 100 personnes. La Marmotte aussi doit refuser du monde, au point qu’un grand nombre d’hommes, ainsi que des femmes et des mineurs se retrouvent dehors.
>> Qui sont ces personnes ? Pourquoi n’ont-elles pas d’autre choix ? Pourquoi n’y a-t-il pas assez de places dans les lieux d’hébergement à bas seuil d’exigence ?
Deuxième constat. Non seulement ces personnes doivent dormir dehors alors que les températures ont chuté, mais la police les chasse des lieux qu’elles ont trouvés pour se reposer. Des agent-e-s brutalisent les gens, leur font peur, les amendent et les insultent. De nombreux cas de confiscation de couvertures et de sacs de couchage nous ont été rapportés.
>> Ces opérations de pression, de maltraitance et de violence menées par la police sont-elles connues de la Ville de Lausanne et du Canton ? Comment est-il possible que de telles actions puissent se produire en toute impunité ? Qui est responsable ?
De nombreux groupes de gens sont concernés, différents par la manière dont l’État les classifie et les discrimine, mais aussi dans le regard que la société porte sur eux. Ces gens ont pour points communs d’être exclus et précarisés. Parmi eux, un grand nombre sont en plus frappés par le racisme et stigmatisés sur la base de leurs origines ou de leurs activités.
Qui sont ces gens ?
- Des personnes migrantes originaires d’Afrique occidentale, surtout des hommes parmi lesquels nombreux sont au bénéfice d’un permis de séjour en Italie ou en Espagne et sont donc légalement sur le territoire suisse (court-séjour Schengen). D’autres ont été déboutés de l’asile et ils ne veulent pas aller à l’aide d’urgence cantonale car cela signifierait un renvoi sous contrainte (règlements Dublin) vers un lieu qu’ils n’ont pas choisi. D’autres ont quitté les structures de l’EVAM en raison de traitements qu’ils ont ressenti comme non-respectueux de leur dignité et stigmatisant. Ces hommes africains sont la cible du racisme anti-Noir-e violent qui existe dans les rangs de la police.
- Des personnes roms sont elles aussi très nombreuses à dormir dehors. Étant donné la pénurie de places dans les lieux d’hébergement d’urgence, les familles se retrouvent séparées : les enfants et les femmes sont choisis pour passer la nuit à l’intérieur, leurs maris restent dehors. Ou alors ce sont des familles entières qui se retrouvent à la rue, ou dans une voiture, à se faire réveiller au milieu de la nuit par une patrouille de police. Les Roms sont eux·elles aussi la cible du racisme, d’autant plus qu’ils·elles sont à Lausanne stigmatisé·e·s par la politique anti-mendicité. Des personnes qu’il est facile de mépriser et de brutaliser parce qu’elles vivent dans la marge, parce qu’elles ne feraient pas partie de la « civilisation ».
- Ce sont également de nombreux Suisses se retrouvant dehors en raison de l’insuffisance de logements sociaux qui existe en parallèle de l’insuffisance de places en hébergement d’urgence. Il s’agit de personnes se trouvant par exemple sous curatelle, mais qui doivent se débrouiller toutes seules pour trouver où dormir et finissent dehors pour la plupart, seules, sans ressources et fortement précarisées.
- D’autres Suisses se retrouvent sans rien à la suite d’une série de déboires, ils ont perdu leur travail, eu des problèmes de santé et/ou vécu un divorce. Suite à cela, ils ont terminés à la rue parce que – il suffit d’une seule fois – ils n’ont pas réussi à payer leur loyer puis se sont retrouvés captifs de la précarité, bloqués dans cette situation en raison des discriminations du système libéral qui donne plus facilement un appartement à une personne ayant de bons revenus qu’à une personne en difficulté. Le nombre de personnes dans cette situation est en constante augmentation.
- Il y a également des personnes toxicomanes, suisses elles aussi, qui souffrent de la stigmatisation sociale liée à leur dépendance, de troubles de santé et d’une grande vulnérabilité. Elles aussi se retrouvent à dormir dehors, sur des cartons pour se couper du sol glacial, avec des couvertures sur le parvis d’une église ou dans un bois.
- Il y a aussi un certain nombre d’hommes maghrébins, des personnes à qui l’asile a été refusé et qui se retrouvent sans ressources. Coupés de toutes possibilités de trouver du travail, cibles du racisme anti-Arabe et discriminés : à ces hommes n’est donnée aucune chance de sortir de l’ombre.
- Et d’autres encore.
Où toutes ces personnes dorment-elles ?
Autour des lieux d’hébergement à bas seuil de la Ville : la Marmotte (dans le quartier, près du 2.21, dans les bois en direction du Signal de Sauvabelin) et le Sleep-in (dans les buissons alentours et dans le quartier de manière assez large). L’abri-PC, lui, alors qu’il devait ouvrir le 1er novembre, ne l’est pas encore suite à des retards des travaux de la Ville… et lorsqu’il ouvrira – mais quand ? – ce sera avec 10 places de moins que l’année passée en raison de nouvelles normes de sécurité. Il est évident que cela sera de toute façon insuffisant.
Bien des personnes ont pris acte du fait qu’il n’y avait de place pour elles nulle part et dès lors se trouvent un coin où dormir à Sauvabelin, dans les bois le long du chemin du Calvaire, au parking du Vélodrome, à la Bourdonnette, sur des bateaux dans le port d’Ouchy, dans des parkings souterrains, dans le jardin de maisons et dans d’autres lieux qu’elles choisissent en fonction des nuits et en fonction des patrouilles de police qu’elles doivent chercher à éviter.
Chaque nuit, le Sleep-in double sa capacité d’accueil au point de totale saturation et doit refuser des gens. Chaque nuit la Marmotte doit refuser des gens. Chaque jour la soupe populaire est débordée par le nombre de personnes en demande d’un repas chaud. Chaque nuit la Maraude passe à travers toute la ville pour distribuer du thé, de la soupe, des couvertures et constate une augmentation des gens qui dorment dehors sans protection et harcelées par la police.
Violence policière, violence sociale et violence d’État
Des agent-e-s réveillent les personnes en pleine nuit, les brutalisent, les insultent. Les Noirs et les Roms sont particulièrement visés. La Ville et le Canton sont donc incapables de garantir que leurs fonctionnaires respectent la loi et protègent la vie et les droits humains. Police de Lausanne, Pol-Ouest, gendarmerie. La politique de dissuasion menée par la Suisse en matière d’asile se joint ici à une violence anti-migrant-e et anti-pauvre : même les personnes qui ont des papiers en règles se font maltraiter et s’entendent dire qu’il n’y a rien pour elles en Suisse. La police abuse de son pouvoir en toute impunité. Nous exigeons que cela cesse !
Les personnes qui se retrouvent à dormir dehors sont exclues socialement. Elles le sont encore davantage si elles pratiquent une activité fortement stigmatisée (mendicité, ou deal, ou toxicomanie) et criminalisée, alors qu’aucune alternative ne leur est laissée en Suisse. La société va tendre à les exclure davantage encore, à les considérer comme des « indésirables » et, finalement, à considérer leurs vies comme « dispensables ». Les souffrances de ces personnes sont invisibles, parce que la société ne veut pas les voir et ne veut pas reconnaître que c’est elle qui est mal construite. C’est une violence sociale que l’on constate par le simple fait que ces gens sont laissés à la rue et que les autorités détournent le regard… L’indifférence tue !
Les mesures prises par la Ville de Lausanne mais aussi par les communes environnantes, ainsi que par l’État de Vaud, sont basées sur des budgets qui sont totalement sous-évalués en regard des besoins réels des populations précarisées vivant dans la région. Ces budgets répondent à d’autres impératifs : des mesures d’austérité qui visent à rendre l’État plus compétitif, au détriment de toutes les personnes qui n’offrent pas la plus-value nécessaire. Non seulement les autorités échouent à compenser les effets destructeurs du libéralisme, mais elles en adoptent les modèles et les appliquent aux institutions. Or, que se passe-t-il lorsque sont ainsi créées des conditions de pénurie ? Les comportements deviennent plus rigides, le racisme et la xénophobie augmentent et deviennent des critères de choix dans des choix qui ne devraient pas avoir à être fait. En Suisse, l’un des pays les plus riches de la planète, il pourrait clairement y avoir assez de place pour tout le monde au chaud et sous un toit. En Suisse, comme dans tous les pays du monde, la politique devrait être faite par les gens, pour les gens, et non pour une portion de personnes privilégiées qui font croître le racisme pour asseoir leur domination.
REVENDICATIONS
Toutes les personnes vivant dans la région lausannoise et dans le Canton de Vaud doivent avoir un toit, un espace chauffé où dormir et à l’abri des violences ! De grandes salles peuvent être ouvertes, des espaces libérés pour héberger ces vies humaines dans le respect de leur dignité.
Nous appelons les populations à se mobiliser afin que les autorités de la Ville de Lausanne et du Canton de Vaud mettent en place de toute urgence des mesures concrètes, en adéquation à la réalité du terrain. Il ne faut pas attendre que des personnes meurent de froid ou sous les coups !
Nous exigeons des autorités municipales et cantonales qu’elles rappellent à l’ordre leurs forces de police et mènent l’enquête sur ces agissements dont la dérive autoritaire est patente, où l’impunité règne en maître et où des agent-e-s ont des comportements racistes évidents !
Nous appelons la Ville de Lausanne à se déclarer Ville-Refuge : toute autre mesure est insuffisante à mettre un terme à cette politique de dissuasion violente et aux renvois forcés ! À défaut, nous exigeons que la nuit soit déclarée temps-refuge, ou que les lieux d’hébergement d’urgence et leurs alentours soient déclarés zones-refuges.
Nous appelons à ce que des mesures institutionnelles constructives soient prises à moyen terme pour changer la dynamique sociale de précarisation croissante des populations suisses et étrangères ainsi que la stigmatisation des groupes minoritaires et pour combattre le racisme.
Ne fermons plus les yeux sur ce que la nuit nous montre.
PERSONNE NE DOIT DORMIR DEHORS
#sleepout
#personnenedoitdormirdehors